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Le Crocodile (Mako, Fils de seth, ou Sebek) « Le livre de Thot », d’Aleister Crowley, p59 et 60

Nous trouvons dans le symbolisme du dieu Crocodile de l’Ancienne Egypte, Sebek, le même enseignement concernant une innocence totale qui se transforme en fécondité totale. La tradition enseigne que le crocodile était dépourvu de tout moyen pour perpétuer son espèce (on peut comparer avec ce qui a été dit au sujet du Vautour Maut).

A cause de cela, et non malgré cela, il symbolisait l’énergie créatrice dans sa plus grande intensité. (Freud, comme nous le verrons plus tard, donnera l’explication de cette antithèse apparente.) A nouveau, le royaume animal fut invoqué pour engendrer le rédempteur. Sur les rives de l’Euphrate, on adorait Oannes ou Dagon, le dieu poisson.

Le poisson, comme symbole de paternité, de maternité, ou plus généralement de perpétuation de la vie, resurgit continuellement. La lettre N (Nun, en hébreu, veut dire poisson) est l’un des hiéroglyphes originels symbolisant cette idée, les réactions mentales provoquées par la répétition continuelle de cette lettre en étant manifestement la cause. Il existe ainsi un grand nombre de dieux, de déesses et de héros éponymes, dont les légendes illustrent les fonctions de la lettre N. (Se référer à l’Arcanne XIII, pour ce qui concerne cette lettre).

Elle est reliée au Nord, aux cieux étoilés entourant l’Etoile Polaire, ainsi qu’au vent du Nord ; elle correspond au signe d’Eau.

Le crocodile du Nil se nomme Sebek ou Mako – le Dévorateur. L’idée présente dans les rituels traditionnels concernant cet animal est que le pêcheur désire se protéger des menaces constituées par son animal totem.

Il existe pourtant une identité entre le créateur et le destructeur. Dans la mythologie de l’Inde, Shiva remplit ces deux fonctions. Chez les Grecs, on appelle le dieu Pan « Panphage, Pangéniteur », celui qui dévore tout, celui qui engendre tout. (Vous remarquerez que la valeur numérique du mot Pan est 131, comme celle de Samaël, l’ange exterminateur des Hébreux.)

Ainsi, dans le symbolisme initiatique, l’action dévoratrice équivaut à l’initiation, ou pour parler comme le mystique, « Mon âme est absorbée dans la divinité ». (Comparer avec le symbolisme de l’arche, de Jonas et de la Baleine, et bien d’autres.)

C’est pourquoi la lettre N apparaît dans les récits traitant du Déluge et des dieux poissons. Dans la mythologie hébraïque, le héros en question est Noé. Nous remarquons aussi que le symbole du poisson fut choisi pour représenter le Rédempteur ou Phallus, le dieu dont la vertu permet à l’homme de traverser les Eaux mortelles. En Italie du sud et ailleurs, le nom courant de ce dieu, de nos jours, est Il pecse.

 

Sa contrepartie féminine, le Kteis, est symbolisée par la Vescica Piscis, la vessie du poisson dont la forme se retrouve presque toujours sur les vitraux d’église ainsi que sur l’anneau épiscopal.

Dans la mythologie du Yucatan, c’était « l’ancien couvert de plumes qui surgissait de la mer ». Certains ont vu, dans cette tradition, une référence au fait que l’homme est un animal marin ; notre appareil respiratoire possède encore des ouïes atrophiées. (YK)

Il faut toujours avoir à l’esprit qu’un symbole, quel qu’il soit, est bivalent.

Insister sur l’une ou sur l’autre de ses attributions contradictoires est tout simplement un signe d’incapacité spirituelle ; et cela se produit continuellement, par préjugés. Comprendre d’instinct que chaque symbole contient en lui même une signification contradictoire est le critère initiatique le plus simple. Notez bien ce passage de la vision et la voix page136 :

« On me montre que ce cœur est le cœur qui se réjouit et que le serpent est le serpent de Da’ath, car ici, tous les symboles sont permutables, parce que chacun renferme en lui même son propre opposé.

Et c’est le grand Mystère des sphères Supérieures situées au-delà de l’Abîme, la contradiction est l’unité.

Aucune chose ne saurait être vraie si elle ne contenait en elle-même sa propre contradiction ».

C’est la caractéristique de toute vision spirituelle élevée que la formulation d’une quelconque idée soit instantanément détruite ou neutralisée par l’apparition de son opposée. Salomon Hegel et Nietzsche eurent des aperçus fugitifs de cette idée, mais elle est exposée complètement et simplement dans « Le livre de la Sagesse ou de la Folie »

La question du crocodile est très importante puisque de nombreuses représentations traditionnelles du « Fou » du Tarot montrent précisément un crocodile. Par une interprétation banale, les Scoliastes pensent que cette image est celle d’un jeune homme insouciant et joyeux, portant une besace remplie de folie et d’illusions, et qui danse au bord d’un précipice sans s’apercevoir qu’un tigre ou crocodile s’apprête à l’attaquer.

C’est la perspective du Petit Bethel.

 

Par contre, pour les initiés, ce crocodile permet d’appréhender le sens spirituel de la carte, qui est le retour au zéro cabalistique ; c’est le principe du « Hé final » dans la formule magique du Tetragrammaton. Un simple mouvement, et cette lettre se transmute pour réapparaître comme le Yod, originel et recommencer ainsi tout le processus depuis le début.

 

L’introduction du crocodile suggère à nouveau la formule de l’innocence-virilité, puisque l’une des superstitions biologiques sur lesquelles reposait la théogonie, affirmait que le crocodile, comme le vautour, se reproduisait de façon mystérieuse.

On a considéré Sobek comme une déité quadruple qui représentait les quatre dieux élémentaires (Rê, le feu, Shou, l’air, Geb, la terre et Osiris, l’eau). Dans le Livre des Morts, Sobek apporte son aide dans la naissance d’Horus; il va chercher Isis et Nephtys pour protéger le défunt et il aida à la neutralisation de Seth.

Sobek était considéré par les habitants de la région fertile du Fayoum comme le créateur de l’univers, le démiurge qui a ordonné le monde, le dieu suprême dont on ne doit sous aucun prétexte attiser la colère, il aurait surgi un jour des eaux boueuses de l’océan primordial pour créer l’univers.

Adoré à Kom Ombo, sur la rive droite du Nil, à une cinquantaine de kilomètres au nord d’Assouan, son temple, élevé à l’époque ptolémaïque, a la particularité d’être un double sanctuaire, consacré dans sa partie gauche au culte d’Horus le faucon, dieu du ciel, et dans sa partie droite à celui de Sobek le crocodile, dieu souverain des eaux et de la fertilité.

Les deux divinités se complètent : la première incarne la lumière, la seconde, l’eau : deux éléments essentiels à la vie.

HOOR-PA-KRAAT, "LE LIVRE DE THOT", ALEISTER CROWLEY

À ce degré de théogonie hautement sophistiquée, voici maintenant qu’apparaît un symbole parfaitement clair et concret de cet enseignement. Harpocrate est le Dieu du Silence et ce silence a une signification très particulière (Voir l’Appendice).

Il signifie d’abord Kether, l’Etre pur conçu comme un aspect du Rien. En sa manifestation, il n’est pas Un mais Deux. Il n’est Un que parce qu’il est 0. Il existe ; son nom divin Eheieh, qui veut dire « Je suis » ou « Je serai », n’est qu’une autre manière de dire qu’Il n’est pas. Car Un ne conduit nulle part, c’est à dire là où se trouvait son origine. La seule manifestation possible réside dans le deux et cette manifestation sera silencieuse parce que le nombre 3, le nombre de Binah – Compréhension – n’a pas encore été formulé. En d’autres termes, il n’y a pas de Mère. Seule existe l’impulsion de cette manifestation, et elle doit surgir en silence. Cela signifie que nous n’avons jusqu’ici qu’une impulsion informulée. Ce n’est que lorsqu’elle sera interprétée qu’elle deviendra le Verbe, le Logos (Voir l’Arcane I)

Examinons maintenant la forme traditionnelle de Harpocrate. C’est un enfant, un innocent donc, et impubère. C’est Perceval sous un aspect plus simple, et sa couleur est rosée. Il est l’aube, l’annonce de la lumière sur le point d’apparaître, mais non cette lumière elle-même.

On lui voit une mèche de cheveux noirs bouclés autour des oreilles qui indique la descente des plus hautes influences sur le Brahmarandra Chacra. L’oreille est le véhicule de l’Akasha, l’Esprit. C’est le seul détail symbolique frappant ; il montre par la qu’Harpocrate n’est pas un simple enfant chauve, puisque c’est l’unique couleur qui tranche sur le rosé.

D’autre part, son pouce se trouve soit appuyé contre sa lèvre inférieure soit dans sa bouche. On ne peut le dire avec certitude. Deux écoles de pensée s’affrontent ici. S’il presse le pouce sur sa lèvre infèrieure, il met l’accent sur le silence en tant que silence, et s’il le met dans sa bouche, il souligne l’enseignement du Eheieh : « Je serai ». En fin de compte, ces enseignements sont identiques.

 

Cet enfant est dans un œuf bleu, qui symbolise clairement la Mère. En un sens, cet enfant n’est jamais né.

Le bleu est le bleu de l’espace ; l’œuf repose sur un lotus qui pousse sur le nil.

Le lotus est un autre symbole de la Mère et le Nil, qui représente aussi le Père, fertilise l’Egypte, le Yoni.

(Le Nil est également la demeure de Sbek, le Crocodile, qui menace Harpocrate.)

 

Néanmoins, Harpocrate n’est pas toujours figuré ainsi. Certaines écoles de pensée le représentent debout. Il se tient sur les crocodiles du Nil.

(Voir ce qui a été dit concernant le crocodile, symbole de deux choses parfaitement opposées.) On trouve ici une analogie. On se souvient d’Hercule – l’enfant Hercule – qui faisait tourner le rouet dans la Maison des Femmes, et d’Hercule l’homme fort, qui était innocent, qui devint fou plus tard et qui détruisit sa femme et ses enfants. C’est un symbole très proche.

Harpocrate est (en un sens) le symbole de l’Aube sur le Nil, ainsi que celui des phénomènes physiologiques accompagnant le fait de s’éveiller. On voit, d’un point de vue opposé, ce symbole se relier à l’héritage du pouvoir royal que nous avons déjà décrit.

Le symbole d’Harpocrate lui-même tend à être purement philosophique. Il est également l’absorption mystique de l’œuvre de création, le Hé final du Tetragrammaton. Harpocrate est en fait l’aspect passif de son jumeau Horus.

Mais simultanément, il est un symbole parfait de cette idée qui est le vent, l’air, et la fécondation de la Déesse Mère. Son innocence le protège contre toute attaque, car cette innocence contient le parfait silence qui est l’essence de la virilité.

L’œuf n’est pas seulement l’Akasha*, mais aussi l’œuf originel au sens biologique du terme. Cet œuf surgit du lotus, qui symbolise le Yoni.

Musée Guimet, serpent à sept têtes

Il existe un symbole asiatique qui ressemble à celui d’Harpocrate, et bien qu’il n’apparaisse pas directement sur cette carte, nous pouvons en parler à cette occasion.

Ce symbole est le Bouddha-Rupa.

Le Bouddha est très fréquement représenté assis sur un lotus et nous voyons se dresser derrière lui le capuchon d’un serpent ; la forme de ce capuchon est encore celle du Yoni. (Remarquez les ornements habituellement phalliques et fructiformes de ce capuchon.)

* L’œuf Noir qui symbolise l’élément de l’Esprit dans quelques écoles philosophiques hindoues. Les autres éléments, l’Air, l’Eau, la Terre et le Feu (dans cet ordre) en proviennent.

Buddha paré protégé par le nâga Mucilinda.

Sculpture, site d’Angkor (Cambodge), première moitié du XIIe siècle, règne de Suryavarman II.

Grès, 111 x 68 cm. Paris, musée Guimet.